Etre de gauche, être de droite cela n’a plus de sens sauf pour ceux qui détiennent une place dans le système.

La démocratie s’est fourvoyée dans ce fractionnement imbécile.

Il ne s’agit ni d’une provocation ni de s’apitoyer sur notre vie publique si médiocre.

Pas même de sortir d’un chapeau des arguments magiques pour réussir un coup politique

La gauche et la droite ne signifient plus rien, depuis longtemps.

Les signes précis de ces délabrements, nous les connaissons mais nous refusons de les voir.

Trois exemples parmi des centaines possibles devraient nous faire réfléchir.

Contentons nous de ceux qui sont les plus évidents, les moins discutables : 21 avril 2002, 29 mai 2005, élection présidentielle 2007.

Au préalable, prenons le bon cap.

Faire de la politique, ce n’est pas « réussir » personnellement, voir triompher ses idées ou son camp, parvenir soit même à mettre fin à une situation d’injustice.

Cà, c’est de l’électoralisme.

La politique c’est plus vaste, plus haut, plus propre.

Cela devrait être l’art de lier l’essentiel au possible, dans l’intérêt collectif, d’agir sans discours.

Revenons aux faits :

Le 21 avril 2002 : la France à la gueule de bois.

Ce qui n’était pas pensable est arrivé sans que personne ne l’ai vu venir : un président de la République, en exercice, se fait déboulonner de son piédestal par un tribun assez peu progressiste, sans grand talent, aux vues limitées, assez habile cependant pour tirer des conclusions pratiques et faire ses petites affaires en usant de la médiocrité, des jeux hasardeux et des interdits de la classe politique.

Le Peuple est plus fort que ses dirigeants, plus moral que l’imposteur.

Allant à l’essentiel, une très large majorité de citoyens, 82%, au delà des mots d’ordre affolés, de sa propre initiative, avale son chapeau et sauve la liberté au deuxième tour.

Les partis politiques n’ont pas bougé d’un iota.

Ils demandent un peu plus de discipline, exigent plus de confiance, expliquent leur échec par des arguments auxquels personne de sensé ne croit.

Ils ne sont plus que l’expression formelle d’une démocratie dont ils refusent de voir qu’elle ne fonctionne plus.

Dans un réflexe d’auto défense, bien des dirigeants, s’en sont pris aux électeurs qui, selon eux, n’avaient rien compris (cas remarquable et remarqué des dirigeants socialistes,).

Le 29 mai 2005 :

Constat : la classe politique réunie en Congrès à VERSAILLES, le 1^er mars 2005, dans un de ses rites les plus archaïques, vote et se donne toute entière à l’Europe néo libérale.

Patatras, alors qu’ils ne disposent d’aucun moyen, quelques semaines plus tard, un simple week-end à l’échelon historique, bien que toutes les tribunes d’importance soient au service des intérêts marchands et financiers dominants, alors qu’ils étaient minoritaires en début de campagne, selon les sondages commandés par qui, les citoyens, parviennent à se mobiliser et rejettent à 55% le traité constitutionnel pour l’Europe.

C’est fût un NON ferme et généreux, ni de droite ni de gauche mais transversal, dont la source jaillissait par-dessus la diversité des opinions et s’est fait l’écho mélodieux des différentes sensibilités sociales, lesquelles, dans un élan sublime, se reconstituèrent l’espace de ce vote, en Nation, dans la plus belle acception de ce mot si détourné, si traumatisé, ce jour là réhabilité.

Dès l’instant de cette immense victoire de la souveraineté populaire, sur tous les écrans aux ordres, les perdants vinrent une fois de plus babiller, et, sans vergogne, nous dire que le Peuple s’était trompé, qu’il n’avait rien compris à son époque ni aux nécessités internationales, qu’il faudrait recommencer et assurer le résultat, voulu, souhaité par « l’élite », Le recours au Parlement apparaissait bien commode pour mettre les citoyens entre parenthèse.

Décidément, le référendum est une modalité d’expression populaire si dangereuse que la caste politique, le mot n’est ni trop fort, ni outrageant, ni approximatif car il correspond simplement à la réalité de l’accaparement de la démocratie, la caste politique va suborner le Peuple et de nouveau à Versailles, prendre sa revanche le 4 février 2008.

Il n’est pas inconvenant de dire que face à l’enfermement dans lequel il a confiné la démocratie, notamment par le jeu des alliances et des programmes, le système de gouvernance issu du jeu traditionnel et multiséculaire des partis politiques montre ses limites et nous oblige à construire sans aucune référence, une autre modalité de désignation des représentants du Peuple.

On vient encore de le vérifier pour les élections municipales et cantonales qui voient les carriéristes de tous bords prendre la suite, pour l’un, d’un maire de son camp, pour l’autre s’emparer d’un conseil général simplement pour être resté dans l’ombre de leurs maîtres quelques décades. Mais le pire est probablement de voir des personnes accéder à des responsabilités non pour leurs talents ou la qualité de leur expérience mais seulement par ce qu’ils sont vieux !

Nous sommes en pleine régression démocratique et Poitiers, la Vienne illustrent cette déplorable dérive.

Les partis politiques ne sont pas illégitimes, mais ils créent une telle distance, infranchissable par l’immense majorité des citoyens, qu’ils sont devenus les alliés objectifs de l’abstention.

Les élections municipales qui viennent de se dérouler confirment qu’un tiers des électeurs ne vote plus.

Dans les zones déshéritées plus de soixante pour cent ne participent pas à la désignation de ses représentants.

Parmi ceux qui votent encore, plus de 30 % disent que, vingt quatre heures avant de se rendre aux urnes, ils n’ont pas fait un choix définitif.

Si l’on tient compte qu’un électeur sur deux se prononce « contre » (un candidat, un parti, une situation insatisfaisante) les votes positifs se réduisent à peu de chose.

Il faut aussi garder en mémoire les votes intéressés, ceux qui sont la récompense d’une fidélité à un homme, un parti, à une appartenance ou à un clan qui ont permis de « trouver » du travail. Bien des « fidélités » électorales ne sont que la reconnaissance du ventre !

La caste dirigeante de notre pays vit sur ces petits arrangements. Elle domine la vie publique sur la base d’une fausse légitimité. Là est le cœur secret de son emprise nauséabonde. Là se trouve l’hypocrisie fondamentale.

Tout cela repose aussi sur la médiocrité des hommes qui campent dans cet univers et prétendent représenter le Peuple alors que pour l’essentiel, ils ne sont qu’avides de pouvoir et bien souvent se contentent de seulement paraître et de toucher le confortable salaire que la République leur octroie.

L’inadaptation des structures figées par les intérêts électoraux étroits, la professionnalisation des fonctions électives, le fatras de mesquineries et de mensonges qui se substituent aux discours politiques et obèrent notre vie démocratique, l’absence d’honneur démontrent que notre organisation institutionnelle n’est pas seulement inadaptée mais qu’elle est incapable de porter la responsabilité finale des choix du Peuple souverain.

C’est par ce qu’ils sont indignes que les hommes politiques ne sont plus en odeur de sainteté.

Cela concerne la gauche comme la droite, le centrisme et ce qu’on appelle par commodité l’extrémisme politique qui est souvent l’alliance de l’exigence et l’incapacité à adopter une attitude positive.

Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément déclarait Descartes.

Aujourd’hui nous n’avons plus de vocabulaire disponible pour exprimer nos attentes, nos besoins, nos exigences collectives. L’ordonnancement, la hiérarchie, les priorités ne sont pas classables selon des critères uniquement arithmétiques.

Quelle est la place de l’honneur par rapport à la vérité ? Que vaut le bon sens comparé à l’urgence ? Où est la place du bonheur dans un monde où tout tend à devenir marchandise ? Qu’est qu’une vie heureuse de son dénuement si la norme est devenue de jouir de l’abondante possession ?

L’intellectualisation de la politique, les carcans électoraux qu’impose aux citoyens le non système dans lequel notre citoyenneté est enfermée, la médiocrité générale dans laquelle sombre la pensée, tout porte à craindre que le recours à la violence devienne inéluctable à très court terme.

Il faut refuser cette perspective. Les bains de sang ne sont pas une nécessité.

L’illégitimité du gouvernement, celle au moins aussi patente de l’opposition, le rêve fou d’une uniformisation sociale par la base, pour faire simple, tout ce que nous proposent les partis politiques participe au maintien de cette démocratie de pacotille qui ne fonctionne plus.

Nous avons le devoir, oui, le devoir, d’imaginer autre chose et de construire les modalités pratiques de cette indispensable émancipation.

Il serait vain d’espérer que le « système » se réforme de lui-même et devienne vertueux.

Sa remise en cause, son dépassement, les hommes politiques de quelques bords qu’ils soient ne sont pas les mieux placés pour l’entreprendre et le réussir.

Les « zélus » qui aujourd’hui qui sont en tout point semblables à ceux d’hier et sentent venir le temps de la déraison ont le devoir, oui, le devoir, de s’effacer, d’aider à faire naître d’autres pratiques, d’aider aux développement d’implication citoyennes différentes.

La première mesure à prendre c’est donc de renvoyer l’ensemble de la classe politique, Majorité comme Opposition, et de le faire sans violence, fermement, largement d’une façon incontestable et transparente.

C’est possible comme fût possible la victoire du 29 mai 2005, venue des profondeurs du Peuple. Il faut simple le vouloir, tous ensemble.

L’élection présidentielle de mai 2007.

C’est un échec.

Certes, cette l’élection respecte apparemment la démocratie, 53% de voix obtenues, cela ressemble à s’y méprendre à un choix raisonné du Peuple et le bénéficiare de ce vote prétend être légitime.

La question de savoir si le nombre de suffrage est, à lui seul, un critère fiable et indiscutable de légitimité renvoie à une autre interrogation : un dictateur élu avec 80% des voix est-il un démocrate ?

Ce qui est en cause dans cette élection qui nous a fait prendre du cidre pour du champagne, n’est pas qu’elle ait utilisé les instruments de la démocratie, qu’elle en a respecté les rites mais que l’élu qui a bénéficié de ces pratiques caricaturales s’en serve pour abuser le Peuple, c'est-à-dire pour le fourvoyer.

Ce qui a été à l’œuvre dans cette dernière élection présidentielle est totalement pervers. Les candidats, sauf ceux que l’on qualifie d’extrême gauche, alors qu’ils ne sont peut être qu’un peu plus maladroits que d’autres,ont tous été chercher un adoubement ainsi qu’en témoignent les révérences qu’ils sont allés faire dans les plus grandes capitales étrangères, dans la tradition la plus convenue.

A part quelques candidatures marginalisées, soigneusement sélectionnées et tolérées pour donner le change et faire croire qu’un choix honnête était offert aux français, tous les prétendants étaient favorables à l’Europe aux ordres des USA et défendaient l’ordre néo libéral, par aveuglement, impuissance ou manque de fermeté. L’opportunisme électoral est abject et le restera toujours.

Contre le marché on ne peu rien clamait un ancien premier ministre socialiste suffisant et impuissant à s’emparer de l’Histoire. Nos amis, disait l’autre en vantant les vertus de la mondialisation et courant s’aplatir à WASHINGTON pour y recevoir l’onction de son maître.

Que le marketing électoral ait permis d’emporter l’élection de 2007 est une évidence. Que les clichés d’une famille unie le temps d’un scrutin aient abusé le bon peuple n’a rien d’extraordinaire : un chat ronronne de plaisir quant on le caresse dans le sens du poil.

L’honneur d’un dirigeant, d’un vrai dirigeant, d’un homme réellement au service de son Peuple, c’est d’en appeler, au meilleur de l’Homme de ne pas jouer avec les insuffisances, les peurs ou les contradictions des individus qui existent aussi au plan collectif.

Le rôle d’un président de la République Française, en gardien sourcilleux de la mémoire et de l’identité de ce pays, c’est de hisser le Peuple, de l’encourager à se dépasser sur tous les sujets nobles. Le rôle d’un vrai président de la République c’est de tout faire pour que le progrès social, toujours possible, s’accomplisse. C’est lui le gardien de la paix intérieure sans laquelle la collectivité nationale ne peut vivre en harmonie. C’est en créant un vrai partage des richesses entre tous les membres de la collectivité nationale, ce qui est la première façon d’être solidaire au plan international, que l’on peut préserver la force de notre pays et en faire une référence vis à vis de l’étranger.

Au lieu de cela nous avons élu une vedette, un homme de spectacle, une marionnette.

L’avenir commence donc par la condamnation par un jury populaire de la forfaiture commise ensemble par la classe politique et le président de la République.

Ensuite, une modalité de désignation des représentants du Peuple, simple et claire, interdira qu’aucune place, soit jamais réservée à quiconque, mais soit effectivement attribuée dans le respect d’une démocratie exigeante et scrupuleuse.

Nous avons le devoir de choisir le progrès contre la tradition, d’oser l’audace contre l’impuissance, de privilégier le dépassement de la raison ordinaire, de rejeter les affirmations de bon sens pour entrer, enfin, en vérité.

Lançons nous.

Régis ROQUETANIERE

21 mars 2008

regisroquetaniere@wanadoo.fr

Gauche, droite et démocratie

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